Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pénétrer systématiquement, la première servant de formule constante à la seconde ; qu’ainsi, au lieu de restreindre les forces économiques, dont l’exagération nous assassine, il fallait les balancer les unes par les autres, en vertu de ce principe, peu connu et encore moins compris, que les contraires doivent, non s’entre-détruire, mais se soutenir, précisément parce qu’ils sont contraires.

C’est ce que j’appellerais volontiers l’application de la Justice à l’économie politique, à l’imitation de Descartes, qui appelait son analyse application de l’algèbre à la géométrie. En cela, dit Rossi, consiste la Science nouvelle, la véritable Science sociale.

XXII

Au premier abord, cette conciliation parait impraticable ; elle semble répugner à la nature subjective de la Justice.

Nous savons en effet ce qu’est la Justice relativement aux personnes. Respect égal et réciproque. Mais nous ne voyons pas pour cela ce qu’elle peut devenir quant aux propriétés, fonctions, produits et échanges. Comment l’égalité personnelle, qui est l’essence de la Justice, deviendra-t-elle une égalité réelle ? Est-il seulement à présumer que celle-ci puisse et doive être une conséquence de celle-là ?… Tel est le problème qui se pose, comme un piége, devant les théologiens, les philosophes, les légistes, les économistes, les hommes d’État, et que tous, jusqu’à ce jour, se sont accordés à trancher négativement.

L’égalité des biens et des fortunes, dit-on, n’est pas la Justice, on va même jusqu’à dire qu’elle est contre la Justice.

« C’est en rompant l’égalité que la société naquit, dit M. Blanc-Saint-Bonnet ; c’est pourquoi la charité est la dernière loi de la terre...