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Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/295

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Or, en vertu de cette égalité de respect consacrée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’Économie et la Justice, désormais inséparables, se demandent si le contrat de louage d’ouvrage entre le maître et l’ouvrier, tel qu’il se pratique dans les grands ateliers, est établi sur des principes équitables, si la réciprocité du service est observée, en autres termes si la détermination du salaire est juste ?

Pour que le service soit réciproque, il faut que le maître, je veux dire le représentant de l’entreprise, rende à l’ouvrier autant que l’ouvrier lui donne : ce qui implique, non pas l’égalité des salaires entre eux y compris celui du chef, puisqu’il est possible que les services ne soient point égaux, puisque l’égalité sociale des personnes ne préjuge point l’égalité effective des services, mais ce qui implique l’égalité entre le salaire de chaque ouvrier et son produit.

Égalité du produit et du salaire, telle est ici la traduction exacte de la loi de réciprocité, tel est le principe qui depuis la Révolution est censé régir le travail. Celui-là sera grand dans l’histoire, et aura bien mérité des ouvriers, qui aura fait de ce principe une vérité.

Or, abstraction faite du contrat à prix ferme ou forfait, par lequel nombre de travailleurs aiment à se libérer des chances aléatoires qui pèsent sur les entrepreneurs, contrat qui n’a rien en soi d’immoral quand il est libre, rien de dangereux quand il ne se multiplie pas outre mesure, il est évident, aujourd’hui, que la Justice ne préside point à la condition de l’immense majorité des ouvriers, lesquels n’ont pas la liberté du choix, et pour qui le salaire alloué par les compagnies ou entrepreneurs est loin d’exprimer une réciprocité.

Voici ce qui se passe dans une maison de confection que je puis citer.