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de la population, balance partout : l’économie sociale est un vaste système de balances, dont le dernier mot est l’égalité.

Qu’est-ce que la balance de la propriété ?

Avant de répondre à cette question, il faut savoir ce qu’est la propriété elle-même.

Si j’interroge sur l’origine et l’essence de la propriété les théologiens, les philosophes, les jurisconsultes, les économistes, je les trouve partagés entre cinq ou six théories dont chacune exclut les autres et se prétend seule orthodoxe, seule morale. En 1848, lorsqu’il s’agissait de sauver la société, les définitions surgirent de toutes parts : M. Thiers avait la sienne, combattue aujourd’hui par M. l’abbé Mitraud ; M. Troplong avait la sienne ; M. Cousin, M. Passy, M. Léon Faucher, comme autrefois Robespierre, Mirabeau, Lafayette, chacun la sienne. Droit romain, droit féodal, droit germanique, droit américain, droit canon, droit arabe, droit russe, tout fut mis à contribution sans qu’on pût parvenir à s’entendre. Une chose ressortait seulement de cette macédoine de définitions, c’est qu’en vertu de la propriété, que chacun du reste s’accordait à regarder comme sacrée, et à moins qu’un autre principe n’en vînt corriger les effets, on devait regarder l’inégalité des conditions et des fortunes comme la loi du genre humain.

Certes, il y avait là pour l’Église une tâche digne de sa haute mission, et des souffles de cet Esprit qui ne l’abandonne jamais. De l’incertitude de la définition, en effet, résulte celle de la théorie, d’où naît ensuite l’instabilité de l’institution elle-même. Quel service l’Église eût rendu au monde si elle avait su définir ce principe d’économie sociale, comme elle a défini ses mystères !

Chose étrange, qu’après avoir fait quinze ans durant la guerre à la propriété, je sois peut-être destiné à la