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Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/321

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Du reste, il est juste de remarquer que tous les propriétaires ne ressemblent pas à ceux-là : on m’en a cité qui depuis 1848 n’ont pas voulu augmenter leurs loyers. Cette modération est fort louable, mais elle ne peut faire règle, et nous avons à déterminer ce qui dans la propriété constitue le droit et le non-droit.

Remarquez qu’en thèse générale la loi protège le propriétaire. Le bail expiré, il est maître de laisser ou de reprendre sa chose. L’ancien droit romain, qui faisait dépendre la propriété de la dignité individuelle, unilatérale, du moi pur, indépendamment de toute considération de réciprocité, le justifie. L’école malthusienne, fataliste et aléatoire, y donne les mains : hausse et baisse, dit-elle ; c’est la loi de l’offre et de la demande. L’Église, qui de tout temps a autorisé la dîme, la mainmorte, le droit du seigneur, qui tout récemment s’est ralliée à la doctrine de l’intérêt, l’Église approuve : son silence du moins équivaut à une approbation.

Et cependant la conscience publique dit que cela est injuste, immoral ; la presse s’en émeut, le pouvoir s’indigne. Quoi ! il y a à Paris trente mille maisons, possédées par douze à quinze mille propriétaires et servant à loger plus d’un million d’âmes ; et il dépend de ces quinze mille propriétaires, contre rime et raison, de rançonner, pressurer, sinon mettre hors, un million d’habitants ! de grever le travail, les produits, le commerce, par suite de ruiner les patrons, et d’affamer les ouvriers ! On ne travaille plus, on ne gagne plus, s’écrie-t-on de tous côtés, que pour payer le loyer !… Non, cela n’est pas possible : le Code et la tradition n’y ont rien compris, les économistes ont menti, l’Église est absurde.

Comment sortir de cette souricière ?

Analysons, s’il vous plaît, et nous aurons bientôt trouvé une issue.