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Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/375

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trouble la société se contracte et se groupe autour de son chef ; la multitude n’attend que de lui son salut ; les plus hardis contre toute discipline l’invoquent eux-mêmes, comme une divinité présente, omnipotente.

De telles paroles dans ma bouche ne sont pas suspectes, et vous pouvez prendre acte, pour l’avenir, de cette concession décisive. L’anarchie, d’après le témoignage constant de l’histoire, n’a pas plus d’emploi dans l’humanité que le désordre dans l’univers : Non datur in κόσμῳ ακοσμία. Pardon, Monseigneur, de ce baragouin, que j’ai vainement essayé de traduire en notre langue.

Expliquez-moi maintenant comment, d’un côté, ce même pouvoir est pour les peuples un sujet de perpétuelle méfiance, d’hostilité sourde ; d’autre part, comment, malgré l’importance de sa fonction, qui devrait le rendre vénérable, sacré, il est en butte à une instabilité perpétuelle, à des catastrophes sans fin ?…

1o Que le gouvernement soit un sujet de méfiance pour les peuples, cela se voit rien qu’à leurs constitutions et à leurs chartes. Toujours il promet, il rassure, il offre des garanties, il se lie par des serments. Rien de plus beau et qui témoigne d’une plus grande honnêteté, d’un dévouement plus profond, que ses manifestes ; rien de plus engageant que ses harangues, ses circulaires, ses messages ; autant il se sait nécessaire, autant il se montre plein de bonne volonté. À quoi bon toutes ces précautions oratoires cependant, s’il est véritablement la force qui défend, la Justice qui distribue !… On le craint plus qu’on ne l’aime, on le subit plutôt qu’on n’y adhère ; le sage s’en éloigne, et il n’est âme si vulgaire qui ne tienne à honneur de se passer de lui. Le philosophe dit : Mal nécessaire ! Et conclut le paysan : Que le roi fasse ses affaires, et je ferai les miennes !

Cette disposition peu amicale de la conscience publi-