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soupir. La société marche toute seule, fondée sur la réciprocité du respect et du service ; toute intervention du Père suprême est inutile, dangereuse, immorale ; c’est un non-sens. Dès lors, à quoi bon l’Église ? à quoi bon la pourvoyance du pape et des princes ? à quoi bon leur commandement ?

Voilà, j’ose le dire, ce que sent tout homme du peuple en qui les pratiques d’oraison et les sophismes d’une philosophie niaise n’ont pas atrophié le sens moral ; ce qui soutient, contre les corruptions du mysticisme et de l’ignorance, la conscience des sociétés ; ce que j’ai appris dès l’enfance, et que n’a pu détruire en moi une éducation sans principes, aussi bien pour la conduite de la volonté que pour celle de l’entendement.

XXXIX

Mais, Monseigneur, je ne suis pas rien que Proudhon ; et s’il est vrai, comme certains physiologistes le prétendent, que dans les familles les mâles tiennent surtout de la mère, vous allez voir que je pourrais bien cumuler les vices de plusieurs races. Pour peu que ma postérité continue de se croiser comme firent mon père et ma mère, Dieu sait de quelles affreuses catastrophes la société est menacée !

Mon grand-père maternel, après avoir servi pendant dix ans, comme simple soldat, sous Louis XV, rentra dans son village, où il se maria et leva charrue. Ceci se passait environ vingt ans avant la Révolution. À cette époque la noblesse, avec une fraction minime du tiers-état, formait le corps des prédestinés ; le peuple était condamné à l’enfer. Du nom du régiment, Tornési, où avait servi mon grand-père, les paysans le surnommèrent, en patois, Tournési. Ce fut tout le fruit qu’il rapporta de ses campagnes. Or, la commune qu’il habitait jouissait, par