Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/476

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pas. Tout à coup un des Proudhon de la gauche se lève, met son bonnet et dit : Tu nous ennuies avec tes pater ; moi je ne veux point de grâce. Ce fut un éclat de rire universel. Depuis il m’a été impossible, quelque envie que j’en eusse, de prier Dieu.

Je voudrais qu’un philosophe, de l’école éclectique ou de l’école écossaise, psychologisant doctoralement sur cet Ite missa est d’un paysan que la prière ennuie, Moi je ne veux point de grâce, me dît, après s’être tâté la conscience, s’il ne lui semble pas que cet homme, qui ne compte que sur son courage, a l’âme plus saine, plus vertueuse, que le béat qui fatigue le ciel de ses obsécrations ? N’est-il pas vrai qu’il y a ici un élan de moralité qui efface toutes les formules de l’adoration païenne et chrétienne ? Certes, vous soutiendriez difficilement que ce mouvement si pur, si prompt, de la vaillance humaine, est un effet de la grâce, puisqu’il est la négation de la grâce même. Et ce que disent Cicéron, Sénèque et tous les Pères, que la vertu dans l’homme est un don de la divinité, ne peut trouver ici son application, puisque voilà une vertu qui consiste précisément à vouloir se passer de la faveur du ciel.

Or, si la conscience humaine, une fois donnée, est capable de se porter spontanément à l’action, ce qui veut dire à la vertu, elle possède en soi, à priori, et pour toute la durée de son existence, la Justice ; nous n’avons que faire de grâces supplémentaires, ultérieures et supérieures, et la doctrine de la prédestination est une impertinence. Il n’y a point parmi nous de favoris de la divinité : il n’y a que des braves et des lâches.

Ce n’est pas tout. Avec la Justice, nous n’avons plus que faire de la Providence d’en haut, de même que l’univers, avec l’attraction, n’a plus besoin que Dieu vienne sans cesse relancer le mouvement des sphères, prêt à s’as-