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périeur à Danton pour la sainteté, il lui est inférieur pour l’énergie que donnent à l’âme l’Amour, la Paternité et le Droit ; et c’est pourquoi nul homme devant la mort n’égala jamais Danton.

LIII

Sur ces principes, nous pouvons maintenant fonder une théorie.

C’est un fait dont l’observation est vieille, que la mort est d’autant plus pénible que la vie a été plus destituée de jouissance. L’homme qui a vécu, comme nous disons dans un sens qui n’est pas ici le mien, est plus résolu pour le combat ; et une grande erreur de notre imagination est de croire que le célibataire est plus entreprenant, plus dévoué, plus prompt au sacrifice, que l’homme amant, époux, ou père de famille. La loi de Moïse exemptait du service militaire l’Israélite nouveau marié ou simplement fiancé : elle ne voulait pas d’un homme qui marchait à l’ennemi avec un regret. L’antiquité est pleine de cet esprit. Les fameux Dix mille avaient chacun sa compagnonne ; on ne voit pas qu’ils en fussent plus lâches. Et quelque dévouement qu’ait montré l’armée de Crimée, j’oserai dire que nos soldats auraient eu moins de désolation au cœur, si dans leurs souffrances ils avaient trouvé cet adoucissement de l’amour.

Mais si ce principe de courage en présence de la mort ne peut être méconnu, il est une autre sorte de satisfaction non moins puissante, celle qui jaillit du devoir accompli, de l’idée menée à exécution.

L’homme, être intelligent et ouvrier, le plus industrieux et le plus sociable des êtres, dont la dominante n’est pas l’amour, mais une loi plus haute que l’amour, l’homme ne produit, n’engendre pas seulement, comme les autres animaux, par la voie du sexe ; ses générations sont de