Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/40

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père est aussi l’auteur de toute chose. Le Créateur n’explique donc pas le Père ; et la suite du discours, l’intention évidente du texte, exige davantage. Que reste-t-il, sinon de prendre le nom de Père comme synonyme de Souverain, patron, maître à la fois et modèle, suivant ce que dit ailleurs l’Écriture, Soyez saints comme je suis saint ; régisseur et pourvoyeur de l’âme et de la société ? Or, quel est-il ce père, protecteur et prototype de l’âme qui le prie ? Suivant l’Église, c’est Dieu, un être à part, que nous supposons tout bon, tout sage, tout-puissant, à l’image duquel nous sommes créés, et seul capable de nous entendre et d’exaucer nos désirs. Je soutiens que ce Père n’est autre chose que l’âme elle-même, agrandie à ses propres yeux par la conception de l’idée sociale ou de la Justice, élevée par cette conception du droit à l’égal de la société même, et qui, incapable de se reconnaître tout d’abord avec ce caractère sublime, s’interpelle sous un nom cabalistique, et se provoque à la vertu par la contemplation de son idéal. Qu’après cela elle conçoive ce Père comme créateur de la nature, cela revient à dire qu’ayant atteint par la Justice le sentiment de l’infini, se posant elle-même comme infini, elle fait rentrer dans cet infini toute cause, toute idée, toute puissance, toute vie, parce que l’infini doit tout comprendre, et que l’infini est un.

Qui es aux cieux. — Quelqu’un dans le ciel ! Le Juif, qui faisait le ciel de métal, et y logeait comme en un palais son Jéhovah, pouvait le croire ; païens et chrétiens du premier siècle, de même. De nos jours, cette localisation matérielle est impossible. Le ciel, c’est partout et nulle part ; au pied de la lettre, un non-sens. Il faut donc recourir encore à la figure : le ciel est le sommet de la création, la plus haute pointe de l’Olympe à plusieurs sommets, comme dit Homère, Ἀϰροτάτη ϰορύφη πολυδείρα-