Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/495

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amour de l’indépendance, qui se manifeste comme esprit de domination oppressive : elle est soumission absolue à la conscience du devoir, qui n’est que l’expression de notre nature supérieure, de notre véritable être.

« Mais cette indépendance ne peut se réaliser dans l’individu ; elle ne peut se concevoir que comme liberté universelle, comme autocratie de la raison en général ; sa fin est un règne moral, réunissant tous les êtres raisonnables en une même conscience : en sorte que la moralité devient abnégation entière de soi dans l’intérêt de tous. » (Ibid., t. II, p. 344, 347.)


Se peut-il de plus grands poltrons que ces philosophes allemands ? Fichte est celui de tous qui passe pour avoir le mieux soutenu la liberté, et la philosophie ne doit jamais oublier qu’il est mort pour elle en héros. Du courage devant la mort, cela ne manque pas plus en Allemagne que de ce côté-ci du Rhin. C’est le courage devant l’Absolu, qui est rare. Newton se découvrait quand on prononçait devant lui le nom de Dieu ; Leibnitz lui sacrifie ses monades. Au nom de l’Absolu, Fichte nous enseigne que la liberté, ou, pour mieux dire, l’aspiration à la liberté, — il ne nous accorde pas davantage, — c’est la soumission, l’autocratie, le règne, l’abnégation, enfin le communisme. Il pose ainsi le problème de la philosophie du droit :

« Trouver une volonté qui soit nécessairement l’expression de la volonté commune, ou dans laquelle la volonté privée et la volonté générale soient synthétiquement réunies !… »

Croyez-vous qu’une pareille proposition effraie beaucoup à Saint-Pétersbourg, pas plus qu’à Paris ?

L’Absolu enivre tellement Fichte qu’il va jusqu’au dogme : il devient sacerdote, il est en pleine révélation.

« Je soutiens, dit-il, et c’est là l’essence de mon système, que par des dispositions fondamentales et primitives de la nature humaine est prédéterminée une façon de penser, qui à la vérité ne se réalise pas en chaque individu, mais qu’on