Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/529

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

existe au libre arbitre. Mais c’est le libre arbitre qui, par sa puissance d’idéalisation, donne à ce sentiment organo-psychique ce caractère de majesté sainte, cette force pénétrante, cet esprit de sacrifice, qui fait du droit une religion et de la répression du crime une vengeance. Par la liberté l’homme s’excite lui-même à bien faire ; elle est cette grâce que la théologie place, avec la Justice et le libre arbitre, dans l’Être divin, et qui donne l’attrait à la Justice et à ses œuvres.

Ainsi, l’idée du monde préexiste au libre arbitre ; avec l’idée du monde entre dans l’âme le sentiment des misères dont il est le théâtre. Mais c’est alors que le libre arbitre crée en nous le rêve d’une existence ultra-mondaine, récompense à venir des justes et des pauvres.

Le libre arbitre fait plus : la religion, avec ses sublimes espérances, n’est qu’une allégorie, un signe, le premier manifeste de la pensée révolutionnaire. Cet idéal haut placé, il faut que d’ores et déjà nous le réalisions ci-bas, par la poésie et l’art. C’est-à-dire que l’homme, en vertu de son libre arbitre, déclare la nature, telle qu’elle est, indigne de lui ; il la juge de haut, la critique, la condamne ou l’approuve, la chante ou la dénigre, en fait des peintures idéalisées ou sarcastiques, la démolit ou la recrée, comme s’il voulait reconstruire le monde sur un plan meilleur. Toute poésie, tout art, relève de la même Muse, la liberté.

La religion, en tant qu’histoire figurative du progrès de la Justice ; l’art, en tant que représentation de la nature et de l’histoire, sont susceptibles d’un certain degré de vérité objective, et peuvent, sous ce rapport, se formuler en dogmes et en préceptes : tel est l’objet de la théologie et de l’esthétique. En tant qu’expression de la liberté, la religion et l’art ne se peuvent réduire en raison démonstrative ; et toutes les recettes imaginées