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XXXVI

Quelle est maintenant la fonction de la liberté ? Pour la trouver, nous n’avons qu’à revenir au principe, et en suivre la déduction.

La liberté est la puissance qui résulte de la synthèse ou collectivité des facultés humaines.

Ces facultés se divisent généralement en trois groupes : physiques, intellectuelles, affectives ou morales ; classification qui épuise toutes les forces de la nature, manifestée comme matière, vie, esprit.

Or, il est de l’essence de toute collectivité que sa résultante diffère en qualité de chacun des éléments dont le groupe se compose, et surpasse en puissance leur somme : la fonction de la liberté consistera donc à porter le sujet au delà de toutes les manifestations, appétences et lois, tant de la matière que de la vie et de l’esprit ; de lui donner un caractère pour ainsi dire sur-nature, et qui distinguera par excellence l’humanité. Le sublime et le beau, en un mot l’idéal ; inversement, l’ignoble et le laid, ou le chaos : voilà ce qui constitue l’œuvre propre, la fonction de la liberté.

La liberté ne crée pas les idées et les choses, elle les fait autres ; elle ne les supplée ni ne les devance, elle les prend pour matériaux.

Ainsi, la notion de l’absolu préexiste dans l’homme au libre arbitre : je parle d’une préexistence logique, non d’une préexistence chronologique. Mais l’homme, par sa liberté, élevant cette notion à l’infini, nomme Dieu, l’Absolu absolu, et l’adore ; ce qui signifie, d’après l’interprétation que nous avons donnée du sentiment religieux, que l’homme se définit lui-même en la qualité qu’il agit, comme être libre, souverain de l’univers.

Ainsi, la Justice, comme instinct de sociabilité, pré-