Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/60

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Gaume, dans son Ver rongeur, déclame contre les classiques, d’autres, plus hardis, achèvent sa pensée et dénoncent la lecture. La science, disent-ils, est mauvaise à la religion et à l’ordre : quel besoin que des bergers, des valets de ferme, des manœuvres, sachent lire ? Le pâtre qui gardait sur l’Apennin le bétail de la noblesse romaine, l’esclave enchaîné dans l’ergastule, ne lisaient pas. Personne dans le sénat n’eût proposé de leur montrer les lettres, pas plus que de leur apprendre les armes. On sait le mot de Pascal, l’inventeur de l’abêtissement par principe de religion : Je ne trouve pas bon pour la foi, disait-il, qu’on approfondisse le système de Copernic. Ce qu’a dit Pascal de l’astronomie, on l’applique à toute espèce de livres. On ne se soucie pas que le peuple prenne des habitudes de lecture ; c’est pour cela qu’on autorise le moins qu’on peut les journaux, les revues, les brochures, même inoffensifs et simplement utiles. On parle de soumettre au cautionnement et au timbre les petits journaux littéraires. Contre le socialisme, a dit M. Thiers, sans doute avec plus d’ironie que de haine, je ne vois qu’un remède, la guerre au dehors et la suppression des écoles primaires.

XXI

Dans certain département qu’il est inutile que je nomme, et je n’ai pas besoin non plus de relater l’époque, le préfet, étant de tournée, rassemble un jour les maires de tout un arrondissement. Il les félicite de la bonne tenue de leurs champs et de leurs prés, les exhorte à la persévérance, et ajoute à peu près ce qui suit :

« En bien travaillant, mes amis, vous vous enrichissez, et, vous enrichissant, vous servez le pays et l’État. Restez dans votre condition de laboureurs ; gardez-vous, pour vos enfants, des prestiges d’une science inutile, propre tout au plus à faire