Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/100

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digué pour ce jour de triomphe. Les vieux Romains crient au scandale ; le préfet du prétoire, Julien, entreprend de chasser l’infâme : il est tué par les soldats. Il avait le tort de ne pas prendre au sérieux une chose très-sérieuse, la rénovation de l’idéalisme religieux, nécessaire au soutien de l’idéalisme impérial. Mais la nouvelle religion sera-t-elle au Droit ou à l’Amour ? telle est la question que pose l’empereur Élagabal. On sait quelle fut plus tard la réponse de l’Église : Ni à l’un ni à l’autre ; la religion sera à la Pénitence.

Élagabal entreprend de subordonner tous les cultes à celui du dieu d’Émèse. D’abord il le marie à la Lune, Astarté, la déesse de Carthage, et tous les citoyens sont forcés de contribuer à la dot. À ceux qui seraient tentés de sourire, je ferai observer que toutes les théogonies, celle même de nos Évangiles, sont pleines d’imaginations aussi étourdissantes.

Dans le temple, nouveau Panthéon, qu’il élève à son dieu, il rassemble les divinités et les emblèmes de toutes les religions, y compris les cultes juif, samaritain et chrétien. Élagabal sait que le siècle est à la religion, que la révolution sociale est toute religieuse, et il aspire, pontife universel, à gouverner tous les cultes du fond de sa chapelle. Dicebat prætereà Judœorum et Samaritanorum religiones et christianam devotionem illùc transferendas, ut omnium culturarum secretum Heliogabali sacerdotium teneret. (Lamprid.)

Élagabal persécute les philosophes ; cela devait être : à tout révélateur la philosophie est odieuse. Quel mal saint Paul n’a-t-il pas dit des philosophes ? Il donne le spectacle de la plus frénétique lubricité ; mais cette luxure, qui étonna les Romains, même après celle de Néron et de Commode, était un effet des superstitions de l’Orient. La religion pouvait seule inspirer de tels prodiges. Sous l’emblème du feu, Élagabal adore la puissance génératrice, de tous les idéalismes le plus ancien, le plus universel, le plus indompté. Il y a quelque chose de sacerdotal dans les infamies dévotes qu’il mit en pratique, et dont le palais impérial devint le théâtre. C’est de la gnose, une gnose aphrodisiaque. Mahomet, venu quatre cents ans plus tard, et qui se vantait, comme d’une