Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/108

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fâmes calomnies. Que de cruautés rachètent de pareilles insultes ! Maximin pouvait arrêter un char lancé dans la carrière, casser la tête à un cheval d’un coup de poing ; il broyait les pierres dans ses mains, arrachait de jeunes arbres : mais on ne lui reprocha jamais d’avoir un sérail et de prostituer son corps aux goujats des légions. Par contre, on vante sa femme Pauline, pleine de douceur, de sagesse, de bienfaisance, une Pallas mariée à un titan. Preuve encore que ce barbare avait, plus que les Romains qui l’outrageaient, le sens moral, et respectait les lois de la nature.

Maximin devait sa fortune à Septime-Sévère, qui se connaissait en hommes, et avait découvert en celui-ci autre chose que sa masse. Après le meurtre de Caracalla, il n’avait pas voulu, par reconnaissance, servir sous Macrin ; accueilli par l’obscène Élagabal, comme Chéréa par Caligula, il aima mieux retourner à ses champs que de suivre, sous un tel monstre, sa fortune militaire. Combien de Romains en firent autant ?…

Après l’élévation d’Alexandre, Maximin reparut à l’armée, passa par tous les grades avec l’applaudissement des soldats, qui l’appelaient leur Ajax et leur Hercule ; obtint le commandement de la 4e légion, qui devint sous lui la plus vaillante et la mieux disciplinée. De tels états de service rachetaient bien la sauvagerie de sa naissance. De plus en plus satisfait de ses services, Alexandre n’avait pas été éloigné de donner au fils du paysan goth sa sœur en mariage : qui donc ici aurait eu à se plaindre de la mésalliance ?

Devenu empereur, il ne souffrit jamais qu’on lui baisât les pieds : « Aux dieux ne plaise, disait-il, qu’un homme libre colle ses lèvres sur ma chaussure ! » La barbarie, en la personne de Maximin, faisait honte à la civilisation ; les rôles étaient intervertis : l’invasion des barbares est justifiée.

Mais tout ce qui est fondé par l’idéalisme doit périr par l’idéalisme.

Autant les princes syriens, par leurs qualités et leurs vices contraires, choquaient le caractère prétorien, autant Maximin, par son individualité barbaresque, rendue plus effrayante par la renommée, faisait violence aux habitudes sociales. On le