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gazon sur lesquels furent immolés cent moutons et cent porcs ; ce qui n’empêcha pas les prétoriens de venger leur Ajax en massacrant, la même année, Balbin et Maxime, son collègue.

Depuis l’année 238, où fut tué Maximin, seize cent vingt ans se sont écoulés y et pas un mot de sympathie n’a été dit sur ce soldat. Que la postérité lui devienne juste, et que la terre lui soit légère !…

Ainsi le véritable, le légitime empereur, n’est ni celui du prétorien, ni celui de la plèbe, ni celui des prêtres, ni celui des philosophes, ni celui du sénat, ni même celui des jurisconsultes : nous l’avons vu tour à tour par Néron et Commode, par Élagabal, par Alexandre, par Maximin, par les Gordien. Rien ne servirait à l’empereur d’être à la fois un héros, un homme d’État et un homme de bien. La Justice n’est plus ce qu’on attend de lui : il faut qu’il satisfasse à tous les idéalismes que son nom fait concevoir ; il faut, en un mot, qu’il réalise en sa personne l’absolu, l’impossible.


PROBE.

L’an 276, Probus est élu par les soldats et confirmé par le sénat, malgré sa répugnance sincère. Comme Tacite et Claude, ses prédécesseurs, il voyait les misères sans gloire de l’empire, et repoussait ce calice d’amertume. Ainsi les honnêtes gens n’ont plus foi à l’empire : il n’y a que les scélérats et les imbéciles qui l’ambitionnent.

Probe, originaire d’Illyrie, compatriote d’Aurélien, de Claude, de Dèce, âgé de quarante-quatre ans, est le symbole de la réconciliation des deux puissances, civile et militaire. Son élection annonce la fin prochaine du prétorianisme. Représentant d’une idée qu’il sert avec zèle, il en sera le martyr : quel était cet homme ?

Né dans les camps, d’un père qui mourut tribun militaire, tribun lui-même à vingt-quatre ans, chaste comme Scipion, brave comme Aurélien, probe comme son nom ; décoré par Valérien d’une multitude de bracelets, de colliers, de drapeaux, d’épées d’honneur, de couronnes civiques ; vainqueur des Sarmates : après s’être signalé dans une suite de campagnes en