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la négation de l’idéal impérial, l’affirmation du travail et de la Justice révolutionnaire. Aurélien, jetant le sarcasme au peuple romain, le plus aimable du monde, disait-il, quand il est saoul, n’avait exprimé qu’une moitié de la vérité. Probe la disait tout entière : il ne pouvait être pardonné. La Justice, toujours outragée, s’acharne sur les empereurs. Le crime de César est inexpiable. Les Antonin n’ont pas obtenu grâce : après eux, Pertinax, Dèce, Valérien, Claude, Aurélien, Tacite, Probe, Carus, apparaissent comme de nobles victimes. Ni l’héroïsme, ni la modestie, ni la probité, ne les peuvent défendre. La pourpre prétorienne les brûle, comme la robe du centaure brûlait Hercule.

À peine le crime est commis, que les soldats pleurent leur empereur. Un monument lui est élevé par eux avec cette inscription : Ici gît Probe, qui fut vraiment probe, vainqueur des Barbares et vainqueur des tyrans. Hic Probus, et verè probus, situs est, victor gentium barbararum, victor etiam tyrannorum. Regret impuissant : l’histoire, comme si elle eût voulu consacrer par son silence l’assassinat, n’a presque rien conservé de cet homme extraordinaire, tel, dit Vopiscus, que ni les guerres puniques, ni la furie gauloise, ni l’acharnement de Mithridate, ni l’opiniâtreté astucieuse de l’Espagne, n’en suscitèrent de pareil dans l’ancienne Rome.

XXXIV

L’idéalisme impérial ne périt pas avec Rome et les empereurs : il se transforma et grandit encore, après la chute de l’empire, dans l’imagination des peuples. Par lui se constitua, trois cent vingt-cinq ans après la chute de l’empire d’Occident, l’empire romain germanique, aux formes féodales et fédératives, qui eut pour résultat utile, d’un côté, de rendre impossible le retour de l’unité impériale, en reconstituant les nationalités sous le patronage même de l’empereur ; d’autre part, de séparer le temporel du spirituel, par là d’opposer le droit à la foi, et de rendre également impossible la réalisation de l’u-