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Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/125

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institutions en tendance ; il faut en un mot qu’il soit prophète, qu’il dise l’avenir, que de sa parole inspirée il éclaire ses contemporains. Sans cela, à quoi serviraient son savoir et son éloquence ? Qui se soucierait de ses disquisitions ? Qui prêterait l’oreille, une seule minute, à ses rapsodies ?

Nous possédons le verbe et l’idée : reste à les fondre dans le discours ou poème.

L’art de l’écrivain, auquel vient de nous conduire la pratique assidue de la parole et de la pensée générales, consiste à imiter et à reproduire sur une échelle croissante, dans chaque vers ou phrase, dans chaque strophe ou période, dans chaque chant ou livre, en un mot dans toutes les divisions et subdivisions de l’œuvre poétique ou oratoire, le procédé esthétique suivi par le génie populaire dans la construction des vocables, qui sont les paillettes ou gemmules dont est tissu le discours, chanté, déclamé ou écrit.

Tout mot d’une langue peut être considéré comme un germe poétique. Analysez ce mot dans ses lettres formatives, dans son accent, sa prosodie, suivez-le dans ses flexions, ses analogies, sa parenté, ses dérivés, ses composés, vous resterez frappé d’étonnement à la vue de tant de richesse concentrée dans un infiniment petit. Philosophie, sentiment, éloquence, mélodie, la précision, la profondeur, la couleur, le caractère, l’idéal, tout s’y trouve. Un mot, je le répète, est un petit poème donné par la spontanéité populaire, et qu’aucune création de l’art réfléchi ne surpassera.

Or, toute phrase, formée de plusieurs mots et servant à énoncer une proposition ; toute période, ou suite de propositions, développant une pensée plus générale ; toute strophe, tout hymne, toute narration ou oraison, n’est toujours qu’un mot, verbum, logos, c’est-à-dire une ex-