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Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/15

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et par la déduction qui en a été faite le lecteur a pu se convaincre qu’il n’y a véritablement qu’une chose qui, paralysant le libre arbitre, arrête l’essor de la Justice, c’est la crainte de Dieu et l’idolâtrie de l’univers : — Coupez le câble.

Reste à savoir maintenant si, les liens qui retiennent son âme captive étant rompus, l’homme est en effet capable par l’énergie de sa conscience de s’élever dans la vertu ; si la balance du bien et du mal, depuis tant de siècles et par la permission divine inclinée à gauche, peut être définitivement et par un acte de la sagesse mortelle penchée à droite, en un mot si notre sens juridique possède réellement l’efficacité nécessaire. Car ce n’est pas tout de briser la chaîne de l’esclave et d’ouvrir son cabanon ; il faut qu’il puisse marcher.

Une première fois, au commencement de l’ère chrétienne, la question fut posée. Et nous avons vu par quel concours de circonstances le sentiment général se prononça pour la négative ; comment, en conséquence, sur le néant présumé de la vertu humaine s’établit la théorie de la grâce et tout le système chrétien.

Depuis un siècle la proposition est revenue à l’ordre du jour. On a contesté la vérité de la solution chrétienne, on a relevé l’influence malheureuse sous laquelle elle s’était produite ; et voici qu’une philosophie plus humaine, soutenue par une Révolution pleine d’audace, professe hautement l’idée contraire. On nie que la religion, naturelle ou révélée, il n’importe, soit utile à la morale ; on soutient que la Justice n’a pas besoin de ce renfort, et j’ai montré par le détail qu’il n’y a de vraie vertu que celle qui est pure de toute théologie. Ainsi le jugement qui donna naissance au christianisme est cassé ; avec le Christ il est aisé de voir que tous les dieux, passés, présents et futurs, sont frappés de déchéance, et