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Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/155

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d’Antoine et la prophétie des luttes de Rome et de Carthage.

Suivant une découverte de l’érudition moderne, Virgile aurait emprunté sa Didon à un poëte grec aujourd’hui perdu. Que nous fait prétendue imitation ? Le Grec qui le premier chanta les amours de Didon et d’Énée n’avait pas entendu parler, apparemment, des guerres puniques, non plus que de la fameuse Cléopâtre ; il se souciait peu du mariage romain, de la dignité matronale, et de la défense faite par le peuple aux empereurs d’épouser des étrangères. Or, c’est dans la combinaison de ces idées et de ces sentiments que se trouve l’idée épique, et non pas dans les cent cinquante ou deux cents vers, plus ou moins, imités du grec, qui servent à peindre la déconvenue de la malheureuse Élisa.

Orphée, suivant la légende, Hercule ensuite, Thésée et Pirithoüs, étaient allés aux enfers, qui pour réclamer sa fiancée, qui pour délivrer son ami. Homère connaissait ces fables ; il n’en a pas usé : aucun de ses héros ne va aux enfers. Dans l’Odyssée, Ulysse évoque au bord d’une fosse, après y avoir versé le sang d’une victime, les âmes des morts ; il ne s’aventure pas dans leur royaume. La poétique d’Homère répugnait à descendre dans le séjour d’horreur, elle s’arrête à l’entrée.

Virgile, composant l’épopée latine, exploitant les mythes de la Grèce comme ceux du Latium, ne pouvait moins faire que de mettre son héros en rapport avec l’autre monde ; c’était une des conditions obligées de son poëme. Mais, d’abord, quelle supériorité de motifs ! Si touchants, si sacrés, que soient l’amour conjugal et l’amitié, on peut dire que de telles considérations n’étaient pas à la hauteur d’une si merveilleuse entreprise. Aussi pour Énée s’agit-il de bien autre chose. En premier lieu, les révolutions de Rome et la grandeur de l’empire, tant de fois