Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/201

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matière et répugne à nos idées de liberté et de progrès ; ou si ce ne serait pas plutôt que, la société ayant elle-même besoin, pour son propre développement, de se rajeunir sans cesse dans ses membres, comme l’animal se renouvelle par l’alimentation, la mort est ainsi plus qu’une nécessité de l’organisme, elle est de constitution sociale ?

Et comme, dans le tourbillon de cet univers, le principe, le moyen et la fin de toute chose sont identiques, la question reviendrait en dernière analyse à demander si la mort, que nous voyons planer sur toute vie, n’a pas sa raison dans la félicité même de l’homme, de tous les êtres le seul qui connaisse la mort et qui puisse, selon les circonstances, se réjouir ou s’affliger de mourir ?

Si cette hypothèse se trouvait vraie, on entrevoit de suite la haute importance du mariage, qu’on pourrait définir d’avance une Institution à la vie et à la mort.

2. La nature a fait l’homme bi-sexuel, masculum et feminam creavit eos ; c’est-à-dire que pour la fonction génératrice il faut le concours de deux personnes de sexe différent. Pourquoi la nature n’a-t-elle pas plutôt fait l’homme hermaphrodite ? Pourquoi cette division de l’appareil générateur entre deux individus complémentaires l’un de l’autre, le mâle et la femelle ? Est-ce encore une nécessité que la physiologie impose à la société, ou une condition que la société impose à la physiologie ? Plus simplement : la distinction des sexes a-t-elle sa raison tout à la fois dans la société et dans l’organisme ? Quelle est cette raison ? Dans la série animale, les espèces inférieures réunissent les deux sexes ; à mesure qu’on s’élève sur l’échelle, la division devient de plus en plus tranchée. La théorie du mariage et du rôle de la femme dans la société pourra seule nous dire ce que nous devons penser de cette finalité de la nature, ou de cette fatalité de la civilisation.