Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/217

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n’a qu’un but, la reproduction. C’est un drame qui, de sa nature, ne se joue qu’une fois, et dont l’évolution se divise en deux périodes opposées, l’une d’ascension ou de désir, l’autre de satisfaction ou de décroissance.

Pendant la première période, l’âme, livrée à l’hallucination d’une volupté ineffable, affamée de ce qu’elle nomme son souverain bien, haletante, s’absorbe, se confond dans la personne de l’objet aimé ; elle est prête à se sacrifier pour lui, elle s’en fait l’esclave, elle l’appelle sa divinité. Tout amant est idolâtre et a perdu la possession de lui-même : c’est alors qu’il rêve d’une union intime, continue, inviolable, éternelle, abîmée dans la solitude, loin des hommes et des choses. C’est l’amour tel que l’éprouvent le jeune homme, la jeune fille, à moins qu’une expérience précoce ou de sordides calculs ne les aient dépravés ; tel que les poëtes et les romanciers aiment à le peindre, pour l’enivrement, la déception et tôt ou tard la dépravation de cette jeunesse.

Mais nous ne resterons pas longtemps dans ce septième ciel. Les amants se possèdent : le cœur a joui, la chair est satisfaite, l’idéal s’envole. Un mouvement inverse du premier, tout aussi fatal, se déclare ; la période de décroissance a commencé. En vain l’imagination fait effort pour retenir l’âme dans l’extase : la raison s’éveille et rougit ; la liberté, au plus profond de la conscience, fait entendre son rire ironique ; le cœur se détache ; la réalité et ses suites, grossesse, accouchement, lactation, fait pâlir l’idéal : heureux alors celui que le besoin de se ressaisir ne pousse pas jusqu’à la haine et au dégoût !

Effet inévitable de la possession, qui désole la femme, plus lente à se dégriser, la fait crier à l’infidélité, à la trahison, et la livre corps et âme à son amant ; qui en même temps commence pour l’homme une période de libertinage en le rendant incrédule, et fait calomnier par