Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/228

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un contrat, des noces légitimes, des priviléges, des droits, par-dessus tout le respect de la cité. Quant à la concubine, après avoir servi aux plaisirs de son propriétaire, elle redevient sa servante, elle lui sert de chambrière, de boulangère, de parfumeuse, dit le Deutéronome à propos du statut royal dont il menace les Israélites. Dans le Décalogue il est défendu, par un seul et même commandement, de convoiter ni la femme ni la servante (concubine) du prochain. Mais les conséquences de l’infraction sont bien différentes, selon que la femme est libre ou serve, épouse ou favorite. Dans le premier cas, peine de mort ; dans le second, peine du bâton.

Mais nulle part cet esprit aristocratique ne se montre avec plus de force que dans les cérémonies du mariage romain, selon la classe à laquelle appartenaient les époux.

Il y avait d’abord la confarreatio, ou banquet sacré, seul connu dans les premiers temps et dont l’usage fut ensuite réservé aux patriciens ; puis vint la coemptio, ou la vente, établie par Servius Tullius, pour la légitimation des unions plébéiennes ; enfin, l’usucapio, possession d’an et jour, lorsque la femme était étrangère, sans parents qui la pussent livrer. Au fond, ces trois formules de mariage produisaient les mêmes effets, quant au for extérieur, pour la femme et les enfants. Mais il s’en fallait de beaucoup qu’elles eussent dans l’opinion la même valeur quant à ce qui touche la partie la plus délicate du sacrement, à savoir, la dignité de l’amour, l’honorabilité de la femme, la sainteté du lit conjugal ; en autres termes, le for intérieur. À peine si la fière matrone admettait qu’il y eût de l’honnêteté chez la plébéienne, mariée par une vente fictive ; à plus forte raison chez l’étrangère, prise, pour ainsi dire, à l’essai, exposée au risque de voir la prescription annale, son unique espoir, interrompue par un caprice de son possesseur.