Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avoir une mission poétique et religieuse qui se lie aux anciennes bases de l’organisation sociale, et qui leur permet de conserver leurs droits aux prérogatives de leur sexe et aux égards de la société… Leur éducation est l’objet des soins les plus assidus. On leur apprend tout ce qui peut contribuer à rehausser leurs avantages naturels, développer leur intelligence… Une fois leur engagement expiré, ces femmes rentrent dans leurs familles ; un grand nombre réussissent à trouver des maris, et personne ne songe à leur rappeler leur vie passée… Le nombre des maisons à thé (habitations de ces femmes) dépasse toutes nos prévisions européennes. À Nagasaki, ville de 70,000 âmes, on en compte plus de 750. » (Univers pittoresque, t. VIII, p. 45 et 46.)

Ainsi fut conçu, de par la Justice immanente dans l’Humanité, le culte de la Vénus vulgaire ; car, ne l’oublions pas, toute religion, si pollue qu’elle paraisse, est une expression de la Justice. Certes la Révolution n’entend point, quoi qu’on ait dit, réhabiliter la fille de joie ; mais, vraiment, la manière dont notre hypocrisie chrétienne explique et juge les mœurs d’autrefois n’est-elle pas stupide ? Qui donc au Japon, dans l’Inde, la Babylonie, la Grèce, mit jamais la protégée d’Aphrodite au rang de l’épouse, ou seulement de l’hétaire ? Quel homme de sens, pouvant se donner l’une ou l’autre de celles-ci, leur préféra l’amante commune, la femme omnivore, celle que le latin brutal nommait une chienne, lupam ?

Ce qu’il faut voir ici est ce sentiment, naïf et profond, de la dignité de la femme, qui changeait en acte de religion ce que la morale la moins sévère ne peut s’empêcher de flétrir comme le comble de la dégradation.

Eh quoi ! lorsque Simonide, célébrant le patriotisme des courtisanes de Corinthe, ose faire pour elles, au nom de tous les Grecs, cette épigraphe : Celles-ci ont prié Vénus, qui, pour l’amour d’elles, a sauvé la Grèce, nous ne verrions dans ces mots qu’une horrible profanation de