Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/246

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binat un titre légal. Je m’étonne qu’un écrivain tel que M. Amédée Thierry (Histoire de la Gaule, t. Ier) ait pu voir dans cet abandon de la confarreatio un progrès : les choses parlaient assez haut cependant.

C’est ici le cas d’appliquer la règle : La forme emporte le fond. Le sacrement dédaigné, le sentiment religieux du mariage ne tarde pas à s’éteindre ; l’institution disparaît du foyer, elle n’existe plus que pour la place publique. De ce moment l’incompatibilité des humeurs, des idées, des sentiments, prend l’essor ; la division, puis le scandale, entrent dans la famille ; l’autorité paternelle, que ne tempère plus l’affection, prend un caractère de tyrannie auquel le législateur se croit obligé de mettre un frein ; la femme, protégée par les siens, sentant sa force, s’exagérant ses droits, devient insolente, aspire à l’égalité ; les enfants, à peine adultes, obtiennent l’émancipation ; la famille devient une pépinière de discorde, et le serment conjugal, sanctionné par le divorce, une promesse tacite de résiliation.

Alors, malgré les phrases pompeuses des juristes, qui continuaient à définir le mariage une participation du droit divin et humain, il devint clair pour tout le monde que cette prétendue participation se réduisait à une association de biens et de gains, communauté de profits et pertes, dont les enfants formaient le principal article. Dans un contrat de cette espèce, auquel suffisait le ministère du tabellion, les stipulations d’intérêt tenant toute la place, l’amour laissé à ses propres risques, le mot de mariage retenu par habitude et pour les convenances, l’union des époux, quant à la couche, ne se distinguait en rien de celle des concubinaires, que dis-je ? des simples fornicateurs ; de sorte qu’entre le mariage, le concubinage et la prostitution légale, il n’y avait pas de différence essentielle.