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amoureuse ; pas plus que saint Paul il n’a eu la vraie notion du mariage.

C’est ainsi que l’a entendu l’Apôtre dans sa deuxième aux Corinthiens, chapitre vi, quand, pour détourner ses néophytes de la fréquentation des prostituées, il leur dit :

« Ignorez-vous que celui qui s’accouple à une prostituée fait un avec elle ? Car il est écrit : « Ils seront deux dans une seule chair. »

Lors donc que l’Apôtre se prévaut du même passage de la Genèse, tantôt avec les Éphésiens, pour leur rappeler ce que le mari doit de charité à sa femme ; tantôt avec les Corinthiens, pour les détourner de leurs habitudes de mauvais lieux, il est clair que pour lui l’amour permis ne diffère pas intrinsèquement de l’amour illicite, le mariage ou concubinat de la fornication : à ses yeux ces différents états ne se distinguent que par des circonstances extérieures, comme la continuité des rapports, la communauté d’habitation, et, autant que possible, la participation à la même foi. Dans ces conditions, l’amour conjugal étant accordé seulement comme remède à la fornication, l’œuvre de chair assimilée à un service commutatif, nolite fraudare invicem, l’unité de conscience, d’esprit, de cœur, se trouve de fait exclue ; le mariage se réduit à une tolérance. Le mot est ignominieux, mais il est pris de saint Paul, et il n’y en a pas d’autre pour exprimer la pensée chrétienne.

XXXV

Tous les Pères se sont inspirés, à l’égard du mariage, des sentiments de l’Apôtre. Ils ont dénoncé ce dualisme, si redoutable à la paix de l’âme et au salut, dévoilé cette souillure ineffaçable du lit nuptial, pour laquelle le mari doit demander sans cesse grâce au Christ, la femme grâce à son mari. De là leurs anathèmes, si peu compris, contre