Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/320

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pour la courtisane, plus de poésie ni de chant, pas le moindre idéal qui la relève. Pendant un temps, à Rome, à Venise, l’imitation de l’antique sembla la ressusciter : ce scandale a disparu. La fille de joie est telle à peu près partout que l’exige son baptême, un être voisin de la guenon, pouvant servir de modèle au péché d’origine. Si la police s’en occupe, c’est pour arrêter à temps l’infection dont la bête immonde menace la population honnête. Encore la pudeur chrétienne a-t-elle protesté contre cet encouragement donné à la débauche : M. Benjamin Delessert fut blâmé par les dévots pour avoir créé le Dispensaire, et tenté d’étouffer dans son antre la syphilis. Malédiction aux victimes de la Vénus vulgaire ! Que l’homme pourrisse, et que le chancre le ronge, avant qu’on appelle la science au secours de l’incontinence. Quant aux malheureuses, nous avons lu tous l’histoire de Manon Lescaut : le gouvernement, s’il n’écoutait que sa conscience chrétienne, en ferait de temps à autre des fournées pour la Guyane et Noukahiva.

XLIII

L’état moyen du concubinat, expression exacte de l’idée chrétienne, semblait devoir obtenir grâce : il n’en fut rien. Son nom était impur : il dut opter entre la bénédiction du prêtre et la déclaration d’infamie. On alla plus loin : les femmes des prêtres, au moyen âge, furent assimilées aux concubines, et quand le célibat eut été déclaré obligatoire pour tout le clergé séculier, il fut question, dans un concile de Tolède, d’accorder à ces concubines, à titre d’indemnité, les galères. Point de théocratie sans célibat, et sans théocratie point d’Église, point de religion, point d’obéissance. Si le mariage laïc est déjà une menace pour l’autorité, à combien plus forte raison le mariage du prêtre ?