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femme. D’autres l’attribuent aux races du Nord, et ne manquent pas à ce propos de citer le fameux passage du livre de Tacite sur les mœurs des Germains. D’autres encore sont allés chercher les origines de la chevalerie chez les Maures ; quelques-uns enfin la trouvent chez les Celtes.

« La femme, dit un écrivain de la Revue des Deux-Mondes (février 1854), la femme, telle que l’a conçue la chevalerie, idéal de douceur et de beauté, posé comme but suprême de la vie, n’est une création ni classique, ni chrétienne, ni germanique, mais bien réellement celtique. »

Pour moi, qui n’ai pas grande foi à la délicatesse barbare, surtout lorsque cette barbarie s’est mise de la veille en contact avec une civilisation raffinée, je crois que c’est faire tort à nos ancêtres goths, ostrogoths, visigoths, longobards, sarrasins, normands et celtes, et les calomnier, que de leur attribuer cette chevalerie qui n’exista jamais que dans des romans relativement modernes, que connurent peu ou point les troubadours, et dont on cite à peine quelques rares exemples, tels que ceux de Pétrarque et de Bayard.

L’amour chevaleresque n’est autre chose que la transformation chrétienne de l’amour platonique, avec ce caractère nouveau qui suffit à en déceler l’origine et qu’on oublie trop, c’est que, d’après la théorie des cours d’amour, l’ami de cœur d’une dame ne pouvait plus devenir son mari, et que, si par aventure ils s’épousaient, elle devait chercher un autre chevalier. N’est-ce pas ainsi qu’en usent encore les dames italiennes ?

Ainsi, selon l’idéal chrétien, idéal théologique, féodal, romanesque ou chevaleresque, comme il plaira de l’appeler, mais idéal le plus faux qui se puisse concevoir, le mariage n’a rien de commun avec l’amour : c’est une fonction où tout est réglé en vue de la lignée, de la succes-