Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/326

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pre pire que l’infanticide, et le lâche adultère, et l’amour unisexuel.

Non, l’Hercule chrétien n’a terrassé aucun de ces monstres ; d’ailleurs, en supposant que depuis la propagation de l’Évangile il y ait eu dans la luxure générale une diminution d’intensité, ce léger avantage est plus que compensé par la bassesse et l’hypocrisie que le christianisme, par son idéal, devait faire naître dans les nouvelles mœurs.

Pour commencer par le mariage, je doute qu’il ait été déshonoré jamais, par l’incontinence des époux, autant que chez les chrétiens. Si les Romains de la République étaient envers leurs femmes d’une tendresse médiocre, ce que nul ne saurait dire, du moins ils étaient graves dans les témoignages qu’ils leur en donnaient, et, comme la fornication ne leur était pas imputée à péché mortel, ils réservaient à d’autres les fantaisies érotiques que repoussait la dignité de leurs matrones. Le chrétien a pris au pied de la lettre le précepte de l’Apôtre : Afin de prévenir les fornications, que chacun ait sa chacune ; que tous deux se rendent le devoir et ne se fassent faute. Consultez tous les auteurs de théologie morale, tous les manuels du confesseur, où se trouvent révélés, avec de si amples détails et une expérience consommée, les privautés du lit nuptial : se peut-il rien de plus ignoble que l’amour marital entre chrétiens ? Tallemant des Réaux raconte dans ses Histoires, à propos du fameux Arnaud d’Andilly, le chef de cette race bigote qui peupla Port-Royal et remplit le monde de son rigorisme :

« Cet homme était un des plus grands abatteurs de bois qu’on pût trouver ; mais il faisait cela de la façon la plus incommode du monde. Il poussait la nuit sa femme : Cataut ! Cataut ! la réveillait en lui disant : C’est pour l’acquit de ma conscience. Puis, avant que d’en venir plus avant, il faisait une