Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/33

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laisser le monde aller comme il va : Officium recitare, bene dicere de priore, sinere mundum ire quomodo vadit.

X

Réduisons à sa juste valeur cette idée d’évolution où se berce la faconde des littératuriers du progrès.

Tout commence, se développe, puis décline et prend fin dans l’univers : c’est une des grandes lois de la nature, qui paraît d’autant plus belle qu’on l’approfondit davantage. Mais, chose étrange, c’est précisément le thème favori du fatalisme, matérialiste ou mystique, et je m’étonne qu’on ait pu y trouver rien qui rappelle la liberté, la Justice, surtout la Révolution.

« Les générations passent et les générations viennent, dit l’Écclésiaste ;

« Le soleil se lève, tourne, franchit le méridien, puis s’incline vers le couchant ;

« Les fleuves reviennent à l’océan d’où ils sont sortis ;

« La plante germe, monte, fleurit, produit sa graine et sèche ;

« L’animal naît, prend sa croissance, engendre son semblable, et meurt. »

Remarquez que l’écrivain juif conclut de ces évolutions tout juste le contraire de ce que nous attendons, nous autres modernes, du progrès : Tout est vanité, dit-il, hors d’aimer Dieu et de le servir !…

Qu’on suppose donc, tant qu’on voudra, que la loi d’évolution qui régit les trois règnes trouve également son application dans l’histoire ; qu’il en est des nations et de l’humanité tout entière comme des individus, dont l’existence est tracée dans une courbe infranchissable : je dis que, dans cette hypothèse même, le mouvement de retour étant égal au mouvement d’ascension et lui correspondant point pour point, on ne peut pas dire qu’il y ait progrès, sans compter que, l’évolution étant entièrement sous-