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« La religion spirituelle devient successivement religion du sublime (judaïsme), religion de la beauté (celle des Grecs), et religion de l’entendement (celle des Romains).

« Celle-ci forme le passage à la religion de l’Absolu. »


Nous savions, par le catéchisme, qu’après être tombés dans l’idolâtrie par le péché de notre premier père, nous étions ensuite devenus chrétiens par la grâce de la rédemption. Voici un homme qui nous apprend que tout cela est allégorie, que nous avons dû passer par toutes ces croyances en vertu du procès de l’esprit et du développement nécessaire de l’histoire. J’accepte, sous bénéfice d’inventaire, cette explication ; mais dites-moi donc enfin, ô philosophes et prêtres, quelle part vous faites à ma liberté, quelle idée je puis avoir du progrès, quand de toutes vos paroles il résulte que je ne suis qu’une marionnette ?

Aussi ne puis-je m’empêcher de me joindre à l’historien Willm, quand il dit :

« Si tout est évolution d’un contenu donné, tout est virtuellement prédéterminé, et la liberté, bien qu’elle soit proclamée l’essence même de l’esprit, devient nécessité pour les individus. Tout ce qu’ils croient être leur ouvrage, leur action propre, est réellement une partie de l’œuvre universelle, un effet de l’action éternelle de l’idée, de l’esprit, qui remplit et constitue le monde. (Willm, t. IV, p. 328.)

Ce qu’il y a de plus grave dans toutes ces conceptions de l’organisme social, prédéterminé et nécessité de toute éternité dans la Raison absolue, c’est qu’après avoir nié la liberté, elles conduisent à la négation du bien et du mal, à la tyrannie et au quiétisme. Hégel dit expressément que la distinction du bien et du mal n’a rien d’absolu ; dans son système, les destinées et la conduite des individus, absorbés dans l’organisme collectif, sont peu de chose :

« L’homme doit être indifférent pour ce qu’il y a d’indivi-