Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/441

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la manie d’égalité et d’émancipation s’est emparée de son esprit, pourchassée par cette manie comme par un spectre ; envieuse de notre sexe, contemptrice du sien, ne rêvant pour elle-même qu’une loi d’exception qui lui confère, entre ses pareilles, les priviléges politiques et sociaux de la virilité ; si elle est dévote, se retirant en Dieu et dans son égoïsme ; si elle est mondaine, saisie par l’amour et en épuisant honteusement toutes les fantaisies et les figures ; si elle écrit, montant sur des échasses, enflant sa voix et se faisant un style de fabrique, où ne se trouve ni la pensée originale de l’homme, ni l’image de cette pensée gracieusement réfléchie par la femme ; si elle fait un roman, racontant ses propres faiblesses ; si elle s’ingère de philosopher, incapable d’embrasser fortement un sujet, de le creuser, de le déduire, d’en faire une synthèse ; mettant, dans son impuissance métaphysique, ses aperçus en bouts de phrase ; si elle se mêle de politique, excitant par ses commérages les colères et envenimant les haines.

À toutes les époques, les femmes se sont fait une place dans la littérature : c’est leur droit et c’est notre bien, je suis loin de le méconnaître. Leur mission peut se définir : Vulgarisation de la science et de l’art par le sentiment, progrès de la Justice par le juste amour, qui est le mariage. Qu’elles restent fidèles à ce programme : de brillants succès les attendent, et la reconnaissance des hommes ne leur manquera pas.

Mais la femme libre, la femme messie, exprimant la subordination de l’idée à l’idéal, de la Justice à l’amour, cette créature-là n’existe pas : c’est un mythe, qui, comme tant d’autres fictions de la prescience humaine, doit être renversé pour être vrai ; pris au sens littéral, ce n’est plus, comme la prostituée de Babylone, qu’un emblème d’immoralité et de dégradation.