Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/446

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelle est-elle, et comment agit-elle ? Toute fonction, avons-nous observé à propos du libre arbitre, suppose un organe : où est l’organe de la Justice ? On parle de la conscience ; mais la conscience est un mot, le nom d’une faculté dont nous affirmons que la Justice est le contenu, et qu’il s’agit de montrer à cette heure dans son organe même. Pourquoi la conscience ne serait-elle pas à son tour, comme le Dieu que nous avons récusé, une fiction, un symbole ? Que dis-je ? Pourquoi ne la prendrions-nous pas, avec les théologiens et tous les premiers peuples, avec quelques-uns de nos philosophes modernes, pour l’impression secrète de la Divinité, qui par sa grâce agit en nous comme si elle était nous, mais qui cependant n’est pas nous ? Les apôtres l’ont enseigné, l’Église le redit après eux, et les nouveaux éclectiques le répètent avec l’Église : Dieu est immanent à nos âmes, et cette réalité de la Justice, cette efficacité de la conscience que nous invoquons à si juste titre, ne prouve qu’une chose, la présence de Dieu dans notre cœur et l’immédiateté de son action.

Telle est donc l’objection : De même que Rien ne se produit de rien, Rien ne fonctionne à l’aide de rien ; cet axiome peut être ajouté aux autres, et s’appeler principe d’instrumentalité. La vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher, ont chacun leur organe ; l’amour a le sien ; la pensée a aussi le sien, qui est le cerveau ; et dans ce cerveau chacune des facultés de la pensée a son petit appareil. Comment la Justice, faculté souveraine, n’aurait-elle pas son organisme, proportionné à l’importance de sa fonction ?

Je l’avoue pour ma part, quelque étrange que les habitudes de notre esprit nous fassent paraître cette idée d’un organisme correspondant à la Justice, comme le cerveau correspond à l’intelligence, j’aurais peine à croire à la réalité d’une loi morale et à l’obligation qu’elle impose,