Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/484

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comme de sa philosophie : c’est une religion. La femme qui prie est sublime : l’homme à genoux est presque aussi ridicule que celui qui bat un entrechat.

Rien de tout cela cependant ne constitue la mission de la femme : son véritable lot est d’être préposée à la garde de nos mœurs et de nos caractères, chargée de nous représenter incessamment dans sa personne notre conscience idéale. Quel rapport, dites-moi, entre une semblable destinée et le plaisir ?… Plus d’un homme a dû à la présence de sa femme de ne pas faillir ; plus d’une femme, après avoir rêvé en son époux l’assemblage des vertus viriles, s’est consumée en se voyant attachée à un lâche, à un cadavre.

Et la gloire de l’homme est de régner sur cette merveilleuse créature, de pouvoir se dire : « C’est moi-même idéalisé, c’est plus que moi, et pourtant ce ne serait rien sans moi. À elle mon sang, ma vie, tout mon être ; je lui appartiens corps et âme, comme le soldat à son général, comme le fils à son père, comme autrefois l’esclave et le client à son patron. Malgré cela, ou à cause de cela, je suis et je dois rester le chef de la communauté : que je lui cède le commandement, elle s’avilit et nous périssons. »

J’ai eu le bonheur d’avoir une mère chaste entre toutes, et, malgré la pauvreté de son éducation de paysanne, d’un sens hors ligne. Comme elle me voyait grandir, et déjà troublé par les rêves de la jeunesse, elle me dit : Ne parle jamais d’amour à une jeune fille, même quand tu te proposerais de l’épouser.

Je fus longtemps à comprendre ce précepte, absolu dans son énoncé, et qui proscrivait jusqu’à l’excuse du bon motif. Comment l’amour, cette chose si douce, pouvait-il être réprouvé par la bouche d’une femme ? D’où tenait-elle cette morale austère ? Jamais, je le déclare, je n’ai lu ni entendu rien de cette force. Prétendait-elle