Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/53

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Ce n’est pas tout. À chaque objet qui intéresse la vie de ces hommes surgit un nouveau litige ; de nouvelles transactions deviennent indispensables : autant d’articles qui s’ajoutent au pacte primitif, autant de conquêtes par conséquent pour la Justice. Ainsi la loi des Noachides se compose de sept préceptes, celle du Sinaï de dix ; le code du désert en contient une quarantaine, celui d’Esdras ou Helcias en a plus de cinq cents. Je ne veux pas dire qu’il faille juger de la moralité et du progrès d’un peuple par le nombre des lois écrites : longtemps avant Jésus-Christ cette proposition était devenue une contre-vérité ; je dis que le progrès dans la Justice a pour mesure le nombre des lois qui s’observent, ce qui est fort différent.

On nomme progression, en mathématique, une série dont chaque terme est composé du précédent augmenté de la raison ou multiplié par la raison.

Telles sont les deux séries suivantes :

  ± 0. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. etc.
  ±± 0. 1. 2. 4. 8. 16. 32. 64. 128. 256. 512. etc.

Lues à rebours ces deux séries forment une régression. (Arithmétique de Bezout.)

Telle est, dans une société régulièrement constituée, qui, sans rien perdre de ses principes fondamentaux, y ajoute sans cesse de nouvelles définitions, adoptées et suivies par toutes les consciences, l’image du mouvement juridique : le bien s’ajoutant au bien en raison du nombre des personnes et de la multiplicité des intérêts, le faisceau de la Justice s’étendant sans cesse, il y a nécessairement progrès.

Le contraire aura lieu si la Justice est en décroissance : si les lois n’ont de sanction que dans la force, si elles ne se comprennent plus, si, par l’influence de l’inégalité économique et de la raison d’État, elles tombent peu à peu en