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Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/547

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II

La vertu peut se définir l’équilibre des affections ; la raison, l’équilibre des facultés. Quant aux affections et aux facultés considérées en elles-mêmes, ce sont des puissances fatales, tendant constamment à se développer chacune au préjudice du reste, indifférentes par conséquent à l’ordre et à la vérité. Tels sont, par exemple, l’amour parmi les affections, et parmi les facultés intellectuelles, la mémoire.

Dans l’être collectif, où les choses se passent sur une plus grande échelle et avec les modifications qu’y apporte la collectivité, l’ordre peut aussi se définir l’équilibre des forces. Et de même que les facultés et affections de l’individu, les forces sociales sont aveugles, à tendance égoïste et absorbante, capables par conséquent, selon la manière dont elles sont dirigées, de procurer le malheur ou la félicité des hommes. Telle est, entre autres, la propriété.

Entre toutes ces affections, facultés, forces, l’autorité qui maintient l’équilibre est la Justice.

Or, entre les facultés et affections de l’individu, d’une part, et les forces de la collectivité de l’autre, il existe connexité intime, correspondance, influence mutuelle, solidarité plus ou moins étroite par conséquent, pour ne pas dire identité. Il en résulte que tout mouvement, soit en bien, soit en mal, qui s’accomplit dans l’ordre moral, entraîne, à moins d’une réaction énergique, un mouvement analogue dans l’ordre économique, et vice versâ ; qu’ainsi l’on peut prendre chacun de ces mouvements comme énonciation et mesure de l’autre, observer, par exemple, dans une statistique de la population et de la richesse, comme en un miroir, l’état de la conscience publique et les effets de la solidarité morale.