Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/569

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pouvaient avoir plus de gravité que chez nous le conflit entre un préfet et une cour impériale : une sentence émanée de plus haut y mettait fin.

Tant que le spirituel, la foi à une conscience commune, fut vivante parmi les Romains, la République, c’est-à-dire le respect de cette conscience, malgré de perpétuelles dissensions, fut comme la famille, inébranlable et inviolée : tel était à Rome le respect du père de famille et de la foi conjugale, tel fut aussi le respect du magistrat. On peut s’en faire une idée par deux traits : le consul mécontent de ses soldats ordonnait une décimation, et l’armée obéissait ; d’autres fois les légions, irritées contre leur général, se laissaient tailler en pièces afin de lui ôter l’honneur du triomphe : personne n’eût osé mettre la main sur le premier magistrat, sur le père de la patrie.

Après la bataille de Pharsale, on peut dire que le spirituel tout entier, dans l’état romain, a disparu. L’empereur n’est plus le père ; c’est un chef de prétoriens, le dictateur de la plèbe contre le patriciat, l’expression, vivante de la scission dans la république. Il a beau revêtir les insignes du pontificat : il ne représente plus la foi ni l’idée, il n’est que le ministre de la force. Plus de conscience commune : le divorce est partout ; la paternité n’a plus d’honneurs ; les nouveaux légistes, avec leurs fausses généralisations, la battent en brèche ; le droit est changé de fond en comble, selon la remarque de Tite-Live ; les vieilles institutions méconnues, incomprises, tombent en désuétude ; le concubinage devient l’union ordinaire, la famille se dissout ; le patriciat ou patronat n’est plus qu’un titre honorifique offert à la vanité provinciale, mais qui n’a rien de sérieux ni de réel ; les comices sont abrogés sans que le peuple les regrette ; la tribune aux harangues est sans voix, le sénat sert de