Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/572

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garde. Jusqu’à ce qu’ils fussent devenus les maîtres, les chrétiens ne tirèrent pas l’épée ; il n’y eut parmi eux ni révoltes ni complots. Le régicide est l’acte d’une société divisée, en révolte contre elle-même, et qui se nie en la personne de son représentant. Le christianisme, tant qu’il fut hors la loi, ne fournit pas de régicides. Les empereurs sont frappés par ceux qui leur appartiennent : César est poignardé par Brutus, son fils d’adoption ; Auguste empoisonné, dit-on, par Livie sa femme ; Tibère étouffé par son neveu Caligula ; celui-ci massacré par son tribun Chéréa ; Claude empoisonné par Agrippine, après avoir été répudié par Messaline ; Néron, Galba, Othon, Vitellius, tués par les prétoriens. Ainsi des autres. La conscience commune est morte dans l’empire : l’empereur est comme un père de famille qui prostitue sa femme, viole ses fils et ses filles, trahit sa maison, et que sa femme, ses enfants, ses domestiques, poursuivent comme un monstre. Lactance l’a vu, et c’est tout ce que contient de vrai son livre De Mortibus persecutorum ; les empereurs finissent misérablement parce qu’ils sont ennemis de la vraie religion, c’est-à-dire parce qu’il n’y a plus de foi sociale, plus d’esprit de famille, plus de vie spirituelle.

Enfin, ils se confessent vaincus. Constantin, voyant que le moral de la société lui échappe, prend une résolution désespérée : il se convertit au christianisme, déplace le siége de l’empire, abolit les prétoriens, demandant pour toute grâce de partager l’empire avec le Christ, Divisum imperium cum Christo Cæsar habent : trois grandes choses, mais trois choses inutiles, voire malheureuses.

Constantin a beau se faire président du concile, il n’y obtient pas même voix consultative ; il est le sujet du Christ, l’ouaille de l’Église, l’évêque du dehors ; il a perdu sans retour la paternité de la république, le pontificat.