Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/613

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La charité chrétienne vous défend de me haïr ; et certes je ne demande pas non plus les cinquante mille têtes du clergé. La Révolution, quoi qu’on dise, est bonne personne. Aujourd’hui que, par l’exposition de son principe, elle explique tout, réconcilie tout, partis, opinions, intérêts ; aujourd’hui qu’elle apaise le régicide, met l’amour à la raison, synthétise la philosophie, et vous donne, par sa théorie de la sanction morale, l’exemple d’une miséricorde plus que divine, l’Église seule fera-t-elle scission et se tiendra-t-elle hors de la communion de la France ?

Peut-être regrettez-vous qu’ayant à révéler des choses si extraordinaires, je n’aie pas montré dans mon plaidoyer plus de gravité, plus de déférence pour la chose établie, plus d’érudition et de science ; qu’au lieu d’une œuvre de doctrine, soumise à l’examen des autorités constituées, j’aie fait un livre pour la multitude indiscrète, et dont le style, le ton, l’allure, rappellent trop souvent la polémique du Peuple.

Je comprends, Monseigneur, votre chagrin ; il est naturel, et plus que personne je déplore la fatalité, que seule, dans cette circonstance, il faut accuser. Je ne pouvais faire autre chose que ce que j’ai fait. D’abord, je ne suis pas savant, point érudit ; vous l’avez dit vous-même, et personne plus que vous n’est en état d’en juger. Si j’étais savant, je ferais ce que font les savants ; je m’occuperais exclusivement de ma science, et je finirais par entrer à l’Académie. Il n’y a que les ignorants qui fassent des révolutions. Puis, je ne suis pas seul en cause : c’est la tradition nationale que je défends, c’est toute une partie du peuple français, la plus considérable par le nombre, sinon par l’éducation et la fortune, que je représente. Ceux-ci avaient le droit de m’entendre : n’est-ce pas d’eux, après tout, que je tiens mon mandat ? Ils m’ont dit : « Nous avons assez des révélateurs, des initiateurs, des