Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/64

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plus le droit qu’il poursuit, c’est son plaisir, sa vanité.

Or, telle est la corruption de la conscience collective, telle se produit, sur une moindre échelle, l’immoralité individuelle. Dans tout le détail de sa vie, jusque dans le boire et le manger, l’homme est idéaliste ; il sent qu’il s’honore lui-même, qu’il s’élève par l’idéal. Mais cette délectation esthétique ne lui est toujours accordée qu’en vue de la Justice ; dès qu’il perd celle-ci de vue il devient immonde, Epicuri de grege porcus.

L’homme, en effet, en tant qu’animal, est incapable de pécher ; soumis uniquement aux attractions de la sensibilité, il ne pense pas l’absolu, il n’a point d’idéal et ne sait rien de la Justice.

L’homme intelligent est seul capable de pécher. Mais ce n’est pas par les sens qu’il est séduit : à cet égard le langage des moralistes manque d’exactitude ; il est séduit par l’idéal que son entendement lui fait apercevoir dans les choses, par la conception de l’absolu.

C’est l’idéalisme qui corrompt à sa source la pensée humaine et qui fausse tous ses jugements : cette vérité a été largement démontrée dans nos précédentes études.

Qu’avons-nous, en effet, rencontré partout comme cause première, efficiente, et jusqu’à nouvel ordre irrésistible, de l’immoralité, sinon les conceptions de la transcendance, la spéculation théologique, l’esprit de religion et d’église, la hiérarchie sociale, le gouvernement providentiel : toutes choses dans lesquelles il nous a été facile de reconnaître des productions, des effigies, des formules, de l’absolu ?

Et quand nous avons voulu porter remède à cette corruption mentale, qui menace aujourd’hui d’infecter les sciences les plus positives, qu’avons-nous proposé comme hygiène aux intelligences, sinon l’expurgation de l’absolu ?

Ainsi, en déterminant les conditions de la Justice, nous