Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

en un homme. Quel est cet homme ? qu’est-ce que l’empereur ?

XXXI

L’empereur, regardez-y de près, n’est autre chose que la réalisation du vieil idéal romain, politique, religieux, militaire, jadis à peine entrevu à l’heure solennelle des grands triomphes, maintenant visible à toute heure ; fonctionnant en permanence, dans la plénitude de ses attributs.

C’est le dictateur, l’homme dont la parole fait le droit, dictitans jus, pour le noble comme pour le prolétaire, et que ses soldats ont acclamé Imperator après la victoire. Seulement, tandis qu’autrefois le dictateur, créé pour une mission exceptionnelle et temporaire, n’était que le ministre armé du droit, l’Imperator va devenir, par la perpétuité et l’universalité du pouvoir, auteur du droit, comme Dieu même. Tel fut le changement apporté dans l’institution. On avait combattu, pendant cinq siècles, par la dictature ; on voulait gouverner, vivre, jouir, par la dictature : voilà l’empire.

C’est ainsi qu’à l’Idée qui jadis avait gouverné la république fut substitué, par l’idoloplastie populaire, l’Idéal impérial.

L’empereur est le peuple, dans sa souveraineté, dans ses plaisirs, dans ses combats, dans ses triomphes.

Le peuple romain sent sa liberté en la personne de son empereur, comme le moujik sent la sienne en la personne du tsar. Ceux qui combattent à Pharsale sous le drapeau de César le disent avec ivresse : C’est pour la liberté que nous sommes avec toi, ut vindicemus nos in libertatem. César siége sur son tribunal : c’est la raison, c’est le droit, c’est la religion des ancêtres qui parle par sa bouche. Qui jamais affecta plus de respect pour les vieilles