Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/107

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sant l’État en butte aux plus formidables insurrections, a par deux fois fait tomber en France la république.


Le contre-poids à l’action des masses, on a cru le trouver dans deux institutions, l’une fort onéreuse au pays et pleine de périls, l’autre non moins dangereuse, surtout pénible à la conscience publique ce sont, 1o l’armée permanente, 2o la restriction du droit de suffrage. Depuis 1848 le suffrage universel est devenu loi de l’État : mais le danger de l’agitation démocratique ayant grandi en proportion, force a été d’augmenter aussi l’armée, de donner plus de nerf à l’action militaire. En sorte que, pour se garantir de l’insurgence populaire, on est obligé, dans le système des fondateurs de 89, d’augmenter la force du Pouvoir au moment même où l’on prend d’un autre côté des précautions contre lui. Si bien que le jour où Pouvoir et peuple se tendront la main, tout cet échafaudage croulera. Étrange système, où le Peuple ne peut exercer la souveraineté sans s’exposer à briser le gouvernement, ni le gouvernement user de sa prérogative sans marcher à l’absolutisme !


Le système fédératif coupe court à l’effervescence des masses, à toutes les ambitions et excitations de la démagogie : c’est la fin du régime de la place publique, des triomphes de tribuns, comme de l’absorption des capitales. Que Paris fasse, dans l’enceinte de ses murs, des révolutions : à quoi bon si Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rouen, Lille, Strasbourg, Dijon, etc., si les départements, maîtres d’eux-mêmes, ne suivent pas ? Paris en sera pour