Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/116

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compromise. La Confédération des Pays-Bas s’est évanouie à son tour au contact des puissances centralisées : il est inutile de mentionner la Confédération italienne. Oui, certes, si la civilisation, si l’économie des sociétés devait garder le statu quo antique, mieux vaudrait pour les peuples l’unité impériale que la fédération.


Mais tout annonce que les temps sont changés, et qu’après la révolution des idées doit arriver, comme sa conséquence légitime, la révolution des intérêts. Le vingtième siècle ouvrira l’ère des fédérations[1], ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans. Le vrai problème à résoudre n’est pas en réalité le problème politique, c’est

  1. J’ai écrit quelque part (De la Justice dans la Révolution et dans l’Église, 4e étude, édition belge, note), que l’année 1814 avait ouvert l’ère des constitutions en Europe. La manie de contredire a fait huer cette proposition par des gens qui, mêlant à tort et à travers dans leurs divagations quotidiennes histoire et politique, affaires et intrigue, ignorent jusqu’à la chronologie de leur siècle. Mais ce n’est pas ce qui dans ce moment m’intéresse. L’ère des constitutions, très-réelle et parfaitement nommée, a son analogue dans l’ère actiaque, indiquée par Auguste, après la victoire remportée par lui sur Antoine à Actium, et qui coïncide avec l’an 30 avant Jésus-Christ. Ces deux ères, l’ère actiaque et l’ère des constitutions, ont cela de commun qu’elles indiquaient un renouvellement général, en politique, économie politique, droit public, liberté et sociabilité générale. Toutes deux inauguraient une période de paix, toutes deux témoignent de la conscience qu’avaient les contemporains de la révolution générale qui s’opérait, et de la volonté des chefs de nations d’y concourir. Cependant l’ère actiaque, déshonorée par l’orgie impériale, est tombée dans l’oubli ; elle a été complétement effacée par l’ère chrétienne, qui servit à marquer, d’une façon bien autrement grandiose, morale et populaire, le même renouvellement. Il en sera de même de l’ère dite constitutionnelle : elle disparaîtra à son tour devant l’ère fédérative et sociale, dont l’idée profonde et populaire doit abroger l’idée bourgeoise et modérantiste de 1814.