Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/298

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nation ni à l’assemblée de la nation, puisque la nation n’existe elle-même qu’en vertu du pacte, qu’elle se compose d’États indépendants, égaux en dignité, qui ont fait entre eux un contrat d’assurance mutuelle, contrat synallagmatique et commutatif qui exclut toute idée de serment.


On m’opposera peut-être que les fondateurs de la liberté helvétique se lièrent par serment dans la plaine du Grutli, et que plus d’une fois, dans leurs guerres nationales, les Suisses l’ont renouvelé. Mais, sans compter qu’il ne faut voir dans cet acte initial qu’une forme verbale, solennelle et passionnée d’engagement synallagmatique, ne peut-on pas dire encore que le serment du Grutli fut, comme tous les serments prêtés en pareil cas, une sorte d’ab-juration ou d’ex-sécration par laquelle les confédérés se déclaraient eux-mêmes libres de tout hommage, et formaient entre eux une société politique de nouvelle espèce, fondée sur le libre contrat ? Ici le serment est l’adieu solennel à l’anthropomorphisme politique ; c’est la réprobation du serment. Jamais les Suisses n’ont été plus sublimes qu’en renouvelant d’âge en âge cette abjuration de leurs aïeux.


De toutes ces considérations, je conclus que le serment politique est essentiellement contraire à l’esprit républicain en général, mais surtout à l’esprit fédératif. En 1848, je fus vivement choqué, je l’avoue, de la manière dont fut abolie, au nom de la République, la formalité du serment. Cette abrogation était mal motivée ; elle contenait je ne sais quoi d’indécent, de peu sincère, d’injurieux à la nation et à la République. On avait l’air de dire que depuis 89