Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/304

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plus le représentant de l’Italie une et indivisible ; c’est Mazzini et tous ceux qui avec Mazzini, jurant par l’unité et la nationalité, ont condamné la politique d’expectative de Victor-Emmanuel. De même que la théorie du parjure, la théorie du régicide découle de celle de l’excommunication ; elle en est une copie. En tout ceci, Mazzini et les Jacobins ne font qu’imiter les papes.


J’ai demandé à tous les Italiens de ma connaissance s’ils pensaient que Mazzini fût homme à poursuivre dans la pratique ces conséquences de sa théorie. Tous m’ont répondu que telle était leur opinion ; que c’était justement ce qui faisait le caractère, la moralité et la force de la politique de Mazzini, et que tel était le sens exact du mot jeté par lui en guise d’adieu au roi d’Italie : Nous conspirerons ! Peut-être, mais je me garderais de l’affirmer, peut-être, dis-je, la conspiration et l’assassinat politique se pourraient-ils concevoir, s’ils avaient pour but de sauver la justice, supérieure à toute raison d’État et à la patrie elle-même. Mais, sans compter que ces pratiques de la raison d’État répugnent à la justice, nous savons que la justice par elle-même n’est pas la maxime de Mazzini ; qu’elle n’était pas non plus celle d’Orsini, ni celle de l’assassin demeuré inconnu de Rossi[1]. M. Fr. Morin pense-t-il, avec tous ces

  1. L’assassinat politique est indigène à l’Italie : on peut presque dire que ce malheureux pays n’a jamais eu d’autre manière de manifester son opposition et d’entendre la politique. L’Italie est machiavélique jusqu’au fond de l’âme. La Presse du 1er février dernier, dans un article signé A. Dumas, contenait sur ce sujet les détails les plus atroces. La justice française est parvenue à détruire dans la Corse les mœurs relativement généreuses de la vendetta ; mais qui saura détruire dans le royaume de Naples l’affreuse institution de la Camorra ? J’ose dire que le Droit fédéral peut seul triompher ici des habitudes sanguinaires d’un peuple en qui le despotisme et la superstition ont mortifié la conscience et détruit jusqu’au sens moral. À ce point de vue les fondateurs de l’Unité auront fait plus que retarder la régénération de l’Italie ; ils se seront faits les soutiens de ses plus abominables coutumes.