Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/310

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races exploitées, si la divergence des habitudes contractées par les exploiteurs et la contradiction de leurs intérêts rendait la séparation inévitable et qu’aucune force ne pût l’empêcher, la fortune du Nord allait se trouver gravement compromise au triple point de vue politique, économique et stratégique, et l’on pouvait prévoir encore que le moment viendrait où la majorité républicaine demanderait l’alliance à la minorité esclavagiste aux conditions exigées par celle-ci. De toute manière la confédération allait périr.


Dans cette situation, c’est le Sud qui a pris l’initiative en proclamant son indépendance : quelle a été la conduite du Nord ? Jaloux de conserver sa suprématie et attendu que le territoire des États-Unis ne comporte, selon lui, qu’une nation unique, il commence par traiter les séparatistes de rebelles ; puis, pour ôter tout prétexte à la scission, on décide de transporter hors de la république, moyennant indemnité aux propriétaires, tous les esclaves, sauf à donner à ceux d’entre ces derniers qui le demanderaient, l’autorisation de rester, mais dans une condition inférieure, qui rappelle celle des parias indous. Ainsi, tandis qu’on déclare rebelles les confédérés du Sud qui, pour sauver leur exploitation particulière, demandent à sortir d’une confédération devenue impossible, on décrète d’autorité, on légalise, on rend irrévocable la séparation politique et sociale des hommes de couleur : manière nouvelle d’appliquer le principe de nationalité ! Tel est le projet Lincoln. Si ce projet passe, il est clair que la servitude noire n’aura fait que changer de forme ; que bon nombre de Noirs, indispensables à la culture des régions torrides, seront