Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/46

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Par exemple, on se tromperait étrangement si l’on s’imaginait que le régime d’autorité, avec son caractère paternel, ses mœurs de famille, son initiative absolue, puisse subvenir, par sa seule énergie, à ses propres besoins. Pour peu que l’État prenne d’extension, cette paternité vénérable dégénère rapidement en impuissance, confusion, déraison et tyrannie. Le prince est incapable de pourvoir à tout ; il doit s’en rapporter à des agents qui le trompent, le volent, le discréditent, le perdent dans l’opinion, le supplantent, et à la fin le détrônent. Ce désordre inhérent au pouvoir absolu, la démoralisation qui s’ensuit, les catastrophes qui le menacent sans cesse, sont la peste des sociétés et des États. Aussi peut-on poser comme règle que le gouvernement monarchique est d’autant plus bénin, moral, juste, supportable et partant durable, je fais abstraction en ce moment des relations extérieures, que ses dimensions sont plus modestes et se rapprochent davantage de la famille et vice versâ, que ce même gouvernement sera d’autant plus insuffisant, oppressif, odieux à ses sujets et conséquemment instable, que l’État sera devenu plus vaste. L’histoire a conservé le souvenir, et les siècles modernes ont fourni des exemples de ces effrayantes monarchies, monstres informes, véritables mastodontes politiques, qu’une civilisation meilleure doit progressivement faire disparaître. Dans tous ces États, l’absolutisme est en raison directe de la masse, il subsiste de son propre prestige ; dans un petit État, au contraire, la tyrannie ne peut se soutenir un moment qu’au moyen de troupes mercenaires ; vue de près, elle s’évanouit.