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ÉVOLUTION HISTORIQUE

grecque, et remplissant parfaitement, dans sa pose de communiante et son attitude de Vierge-m.ère, son mystique rôlet. Elle me rappelait, sauf les quelques années qu’elle pouvait avoir de plus, ces gentilles jeunes filles de douze à treize ans qu’on voyait autrefois, aux processions de la Fête-Dieu, en costumes de madones, de pénitentes ou de religieuses. Un imperceptible sourire de satisfaction était répandu sur cette figure charmante, qui semblait dire tout bas, au moment de prendre les espèces consacrées : C’est pourtant moi qui vous ai fait, ô béni bon Dieu, et qui vous ai fait toute seule !. Où M. Ingres était-il allé pêcher cette tête-là ? Apparemment, il avait voulu exprimer la pensée qui dut agiter la mère du Christ, lorsqu’après la résurrection, renfermée dans le Cénacle avec les apôtres, elle-reçut pour la première fois l’eucharistie des mains du chef de l’Église, Pierre, d’après l’institution qu’en avait faite son divin fils ; et il y avait réussi en vrai païen qu’il est. Pourquoi, fidèle à l’histoire, n’avait-il pas au moins donné à la mère de Dieu, maintenant aux sept allégresses, la cinquantaine ? Pourquoi cette délicieuse novice, vraie sœur de l’Odalisque et de la Vénus Anadyomène ? Qui jamais eut l’idée d’une pareille Notre-Dame, mère d’un Messie de trente-quatre ans ? Jamais tableau de dévotion ne produisit un pareil effet. M. Ingres avait peint la mère de Dieu comme il faisait ses Circassiennes : pour celle-