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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

d’un époux, d’un père. Comment donc Courbet s’est-il complu à envelopper une pareille scène de ridicule, à en rendre grotesques les acteurs ? Remarquez que la scène se passe à Ornans, une bourgade de Franche-Comté, entre simples paysans, dans un milieu où il reste de la religion, où la foi n’est pas entièrement morte : ce qui rend l’idée de l’artiste plus inconcevable encore et en fait presque un sacrilège. Regardez ce fossoyeur au visage épaté, à la face de brute ; ces enfants de chœurs indévots et polissons ; ces bedeaux au nez bourgeonné,qui, pour quelques sous, ont quitté leurs vignes et sont venus figurer au drame funèbre ; ces prêtres blasés sur les enterrements comme sur les baptêmes, galopant d’un air distrait l’indispensable De profundis : quel triste et affligeant spectacle ! La belle chose à étaler aux yeux, n’est-ce,pas ? A qui donc M. Courbet destinait-il ce tableau ? Où en trouverait-on la place ? Ce n’est pas dans une église, à coup sûr, où il serait une insulte ; ni dans une école, ni dans un hôtel de ville, ni dans un théâtre. Il n’y a qu’un grand seigneur avide de curiosités’ qui puisse songer à le recueillir dans son grenier ; il se gardera de le placer dans son salon. Sans doute il y a là-bas, de l’autre côté de la fosse, des figures de femmes bien touchantes, avec lesquelles vous êtes presque tenté de pleurer ; mais ces spectateurs froids, ce monsieur ennuyé, vieille connaissance de la famille, qui n’a pu se dispenser