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PAR LES ESSAIS DE M. COURBET

peu nombreuses, il suffisait à chacun de nous de se consulter lui-même pour être en mesure, après une courte information, d’émettre sur n’importe quelle œuvre d’art un jugement. C’est ainsi que je me suis constitué critique d’art ; et j’engage véhémentement tous mes lecteurs, dans l’intérêt de l’art lui-même, à suivre mon exemple.

Je juge des œuvres d’art par le goût naturel à l’homme pour les belles choses, et surtout par ce que j’ai appris en littérature. A l’exemple de MM. Thiers, Guizot et autres, qui ne sont, j’imagine, guère plus artistes que moi-même, j’ai cru que je pouvais me permettre d’exposer ma façon de voir et de sentir, non pour faire autorité, mais afin que les artistes connaissent leur public et agissent ensuite en conséquence. Je n’ai pas l’intuition esthétique ; je manque de ce sentiment primesautier du goût qui fait juger d’emblée si une chose est belle ou non ; et ce n’est toujours que par réflexion et analyse que j’arrive à l’appréciation du beau. Mais il me semble que les facultés du goût et celles de l’entendement ne sont pas tellement distinctes qu’elles ne se puissent suppléer l’une l’autre :.à ce titre, on verra peut-être avec quelque intérêt les efforts que j’ai faits pour me rendre compte des chefs-d’œuvre de l’art, et me faire en conséquence des règles pour moi-même.

Ma qualité de juge établie, je n’hésite point à en